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Les pathologies étant classées en trois catégories, seule celle caractérisée par une faible variabilité de coût ferait l'objet d'un forfait par admission couvrant les honoraires des médecins, sans doute à l'exception de la biologie et de l'imagerie. La description de la pathologie à faible variabilité, qui peut se révéler à grande variabilité après l'admission, est un sujet vital d'étude pour les médecins, essentiellement du GBS, qui ont accepté d'apporter leur expertise. Après cela, la question se complique si on cherche à combiner l'APDRG avec l'âge (en dessous ou après 75 ans où le risque de variabilité est plus grand), la nomenclature et la durée de séjour. Mais, pendant ce temps - là, des questions juridiques essentielles ne semblent pas clarifiées. Les réflexions se poursuivent. Dans ce cadre, un nouveau rapport a été présenté il y a à peu près un mois par Antares.Le rapport de M. Portella sur la réforme des hôpitaux établi par Antares consulting à l'intention de la banque ING, intéressée parce qu'elle prête 2 milliards aux hôpitaux belges, a été présenté dans le courant du mois de février 2017.Le rapport est intéressant parce que, s'il répète à l'envi, comme bien d'autres, ce que la ministre veut entendre, il laisse cependant transparaître certains éléments qui méritent d'être relevés.En remarque préalable, disons que le fait d'avoir demandé un rapport à une société catalane, est un plus. Les auteurs peuvent inciter à la prudence pour éviter des réformes chaotiques constatées ailleurs. Le 20 septembre 2016, Perrine Lafon titrait dans Le Petit journal : "La Catalogne parmi les régions à la pire assistance sanitaire", en rendant compte du rapport 2016 de la Fédération d'associations de la défense de la Santé publique. En 2011, Fr. Musseau dans le journal Libération du 17 novembre 2011, titrait au moment de la réforme : "Le traitement de choc qui révolte Barcelone". Il racontait le véritable cauchemar qui avait suivi la fermeture brutale de 3.000 lits et de 60 services d'urgence. Si la réforme des hôpitaux a été un tel chaos en Catalogne, le choix d'un expert catalan, qui en a été témoin et l'aura sans doute analysé, est une riche idée, parce qu'il saura ce qu'il ne faut pas faire. On est, par conséquent, un peu étonné de lire que chez Antares on comprend mal qu'une réforme du paysage hospitalier puisse prendre autant de temps : "Tous les autres pays l'ont fait, donc on n'est pas en terrain inconnu". Eh bien, justement ! Ne risquons pas le chaos par une précipitation hasardeuse. Le paysage hospitalier belge est complexe. Mr Portella le regrette, mais c'est un fait, et il faut en tenir compte. Les Régions donnent les agréations, qui créent un droit subjectif. Retirer l'agrément de 10.000 lits et de nombreux services d'urgence dont la disparition entraînera la mort des hôpitaux auxquels ils sont adossés, posera des problèmes juridiques. Choisir un hôpital de référence pour chaque réseau de 400.000 citoyens, parmi des hôpitaux, tous d'excellente qualité et parfois côte à côte dans une petite ville, avec leurs clientèles et leurs soutiens politiques et mutualistes, relèvera de l'exploit. Quant à combiner ces remaniements avec l'équilibre philosophique et académique, cela ne va pas être du gâteau non plus. L'organisation entre équipes médicales ne sera sans doute pas plus simple.Le consultant relève quelques points qui semblent paradoxaux.D'une part, Antares constate que la Belgique dépense moins que ses voisins pour la santé par rapport à son PIB : 10,4% contre 11,1 en Allemagne, 11 en France, 10,8 aux Pays- bas. Mais il l'invite à se dépêcher de les prendre comme modèles !... Il est vrai que ces chiffres favorables s'accompagnent pour le moment d'une dégradation des bilans des hôpitaux et surtout des hôpitaux wallons. Il n'y en a que 26% en déficit actuellement mais beaucoup craignent l'avenir, ce qui explique la réaction favorable des intéressés qui espèrent que la réforme confortera leur solvabilité. Il serait peut -être plus adéquat de demander à un audit pourquoi certains hôpitaux sont en déficit et d'autres ne le sont pas.D'autre part, l'expert Mr Portella reconnait qu'en Belgique, les soins de santé sont très accessibles en comparaison des autres pays. Il n'y a pas pour le moment de file d'attente, les services d'urgence font bénéficier les patients d'une grande proximité. Il est vrai que, sur les 139 services, la moitié compte moins de 55 contacts par 24 heures dont 6 par nuit. Mais c'est cette disponibilité qui a permis de dégager les gardes généralistes vers les hôpitaux après 22 h et d'assurer l'accessibilité des patients en zones peu peuplées.Les soins sont, en outre, de très bonne qualité. Le système belge recueille un très haut niveau de satisfaction chez les malades qui l'ont plébiscité jusqu'à 86 %, contre 62% de satisfaits seulement en Catalogne pour une moyenne européenne de 70%. Et cet avis des citoyens correspond à une réalité de qualité : les résultats sont en effet assez bons aussi, puisque près de 80% des Belges s'estiment en bonne santé. Les principales restrictions à l'accessibilité selon les patients résideraient dans l'insuffisance des remboursements de médicaments.Il faut rappeler, en outre, l'avantage pour la qualité du dialogue malade médecin, que représente le libre choix, gage d'écoute du prestataire. C'est un atout du système belge qui s'applique dans les hôpitaux. La ministre en est consciente. Dans son système de réseaux par 400.000 habitants, le libre choix du patient serait sanctuarisé et garanti par une sorte d'organe de contrôle de la concurrence inter hospitalière.Cette efficience est également due à la plus grande performance du personnel de santé. Une infirmière prend en charge 11 patients par 24 h en Belgique alors que sa collègue en prendra entre 5 et 9 dans un des autres pays étudiés à l'exception de l'Allemagne. Et le médecin est comparativement bon marché. Il travaille sous statut d'indépendant, sans cotisations patronales à charge de l'hôpital et que le ministère devrait bien subsidier comme Il le fait dans le Budget des Moyens Financiers (BMF) des hôpitaux universitaires. Malgré cela, on retrouve dans le rapport l'engouement doctrinal pour le paiement forfaitaire, comme si c'était un thème imposé par les Politiques : "Il faut revoir le mode de paiement des médecins". Mais le consultant nuance son conseil, en envisageant de limiter la rémunération forfaitaire aux affections chroniques, tandis que "le paiement à l'acte peut se justifier pour des affections aigües".Un groupe de travail planche sur la constitution des forfaits par pathologies dans les APDRG, considérées à variabilité faible. C'est surtout le GBS qui s'investit, pouvant mobiliser un grand nombre de praticiens issus des Unions professionnelles capables d'apporter leur expertise. Pour en terminer avec les réflexions que suscite le rapport à ING, la conclusion du consultant semble pleine de sagesse, quand il écrit qu'il y a trop de régulations et trop d'acteurs institutionnels.Pour le premier reproche, espérons que la ministre en tienne compte et diminue un peu la bureaucratie, mais on ne voit pas trop comment si le nouveau système intègre un échelonnement et un acteur intermédiaire, le réseau d'hôpitaux. Pour le deuxième reproche, on peut toujours rêver. Les discussions entre les niveaux de Pouvoir concernés devraient aboutir pour le 3 juillet si la ministre escompte sortir ses règlementations et leur cadre d'ici la fin de l'année. Or, il semble que les interlocuteurs régionaux veulent maintenant une vue d'ensemble pour se prononcer après avoir abordé une série de questions de détail non encore élucidées. Il s'agit du système lui-même, bien au-delà de la rémunération des médecins et, donc, d'une question de vie ou de mort pour certains services ou même hôpitaux.Avant tout, il faut déterminer clairement le concept d'hôpital si le projet vise encore à agréer des réseaux, et, non plus des institutions. C'est un élément juridique majeur et le cadre déterminant de la réforme. La personnalité juridique du réseau et la nature de ses liens avec les institutions le constituant vont en déterminer le fonctionnement. Si les hôpitaux sont absorbés par le réseau, seul agréé, ce sera autant de dissolutions ou cessions, qui devront être votées par les organes décisionnels des divers pouvoirs organisateurs avec les transferts de leurs actifs et passifs, y compris les dettes. Celles-ci devraient être mutualisées puisque, par suppressions de lits ou de services, les chiffres d'affaires seront affectés. Or, ils servent de caution auprès des banques pour les lignes de crédit.Il en va de même des honoraires des médecins s'ils sont facturés par le gestionnaire. De toute façon, l'instauration d'un niveau intermédiaire de coordination ou de gestion, notamment du personnel, pourrait augmenter les coûts. Le réseau aura-t-il une personnalité juridique et, dans ce cas, comment se prendront les décisions pour distribuer missions et services ? Les négociations pour la rédaction des statuts vont faire apparaître les menaces de minorisation de certaines institutions lors de l'attribution de services ou fonctions. On sait déjà que les mutualités chrétiennes considèrent qu'on peut supprimer un hôpital sur quatre, mais elles ne disent pas si elles vont donner l'exemple chrétien du sacrifice. Il est également indispensable d'établir des priorités, en particulier un planning de la programmation, et surtout une répartition claire entre les missions des hôpitaux académiques, régionaux et celles des hôpitaux de référence des réseaux. C'est un point crucial.Ce dernier point soulève quelques questions. La qualification de référent pourrait être attribuée pour chacune des pathologies et on aboutirait à des "services" de référence au lieu d' "hôpitaux" de référence. Vu sous l'angle des patients, cela semble plus sensé. Pour le patient, ce qui fait la référence, c'est la qualité du médecin ou de l'équipe. Si ces derniers quittent un hôpital parce mal payés ou chassés par le manque de reconnaissance, ils seront suivis par la clientèle dans leur nouvel hôpital, s'il se situe en Belgique quand on ne leur a pas fait un pont d'or aux Etats Unis ou en Hollande. La désignation comme service de qualité devrait donc être faite pour des termes limités, avec révisions régulières. Des fédérations hospitalières plaident quant à elles pour institutionnaliser les réseaux confessionnels existant de fait actuellement et d'autres les voient se constituer par la volonté de coopération entre les intéressés. De toute façon, si le libre choix du patient est sauvegardé, c'est lui qui décidera. Quant à savoir qui aurait la compétence de désigner ces hôpitaux ou services de références et l'attribution de moyens qui va avec, ce ne serait personne ... Le réseau lui-même ferait la désignation. C'est dans la lignée d'une forte opposition de certains à la création d'un organe de gestion manageant le réseau : celui-ci serait dirigé, ou du moins organisé, par une coupole, sorte de Comité d'Association. Cela fonctionne déjà ainsi dans les associations de services. Les missions seraient réparties entre les institutions par consensus entre les délégations des institutions concernées. La loi du plus fort trancherait les dissensions. En cohérence avec cette approche attribuant au réseau une tâche de simple coupole, Il y aurait une hostilité envers l'attribution d'un budget par réseau, qui semble pourtant inhérent au concept de la ministre qui ne veut plus connaître que le réseau. D'autres plaident, au contraire pour donner à ce dernier un organe de gestion avec des compétences statutaires et des règles de vote précises et qui serait l'interlocuteur des Autorités et déciderait du sort des hôpitaux constituant le réseau. On voit qu'il faut absolument trancher ce point sous peine de travailler dans le vide.Par contre, les priorités de mise en oeuvre se dessinent clairement : fermer des maternités, fermer des pédiatries, et couper dans les services d'urgence. On a parlé d'en supprimer 35. Là, c'est le tollé général, d'autant que beaucoup de services alternent ensemble la garde, et qu'il faut aussi maintenir des secours dans des régions à la population peu dense.Les décisions ne seront pas faciles. La fermeture de 10.000 lits agréés entrant dans le patrimoine des institutions constituera une perte pour elles. Madame De Block a supprimé les indemnisations, conçues dans un régime d'incitants à la fermeture pour faire face aux licenciements qui en seraient la conséquence et aux amortissements qui restent à courir. En plus, elle a établi un moratoire sur les reconversions et recyclages de lits supprimés. C'est une lourde responsabilité de changer un système qui marche alors qu'il coûte moins cher à l'usage que les modèles proposés. Elle pèse sur la ministre, mais aussi sur les partenaires concernés, Mutuelles et organisations professionnelles en particulier, surtout si les malades sont représentés par leurs assureurs. Autant dire qu'ils n'ont pas voix au chapitre.