J'ai eu l'honneur et le plaisir d'être invité à travailler pendant un mois à Nouméa, afin d'y apporter un regard académique extérieur.

L'hôpital principal, le Médipôle, de plus de 500 lits, a ouvert ses portes il y a moins de deux ans : Hôpital ultra-moderne, où un robot apporte le linge dans les services et l'IRM est obtenue dans l'heure. Où le Service de réanimation aussi est super-équipé.

Mais l'île a aussi ses défis.

Défi culturel d'abord. Les disparités culturelles sont importantes. Les Kanaks (autrefois écrit 'Canaques'), provenant de populations autochtones mélanésiennes, ont évidemment leurs coutumes particulières. L'endroit où ce nouvel hôpital a été construit, sur une sorte d'ancien cimetière, n'augurait rien de bon aux yeux de la population. Les débuts furent donc difficiles, même si on y a 'fait coutume', en offrant aux chefs de tribus une pièce de tissu, un peu de tabac et une petite somme d'argent toute symbolique...

60.000 patients par an aux urgences

Les Kanaks sont des gens charmants et souriants, qui aiment dire bonjour à tous ceux qu'ils croisent, mais qui peuvent devenir brutaux et agressifs quand ils ont bu... et quand ils commencent à boire, ils ne peuvent s'arrêter... si bien que la vente de boissons alcoolisées est interdite le week-end (ainsi qu'à la fête du cerf et de la crevette...). Malgré ces mesures, les services d'urgence, qui accueillent 60.000 patients par an au Médipôle, sont souvent submergés, surtout la nuit, par la prise en charge de plaies diverses et variées infligées souvent par les proches qui ne pouvaient plus se contrôler.

Des problèmes médicaux aussi quelque peu différents des nôtres : beaucoup de valvulopathies sur rhumatisme articulaire aigu, des leptospiroses, des dengues...

Qui sont les médecins ? Peu de Kanaks, et tout le monde n'est pas prêt à aller s'installer aux antipodes. Beaucoup bien sûr le font par gout d'aventure et d'exotisme. Certains parfois sur un coup de tête, après une déception, une mauvaise expérience, une mésentente ... Mais que faire dans la situation - rare il est vrai, où le médecin pourrait ne pas convenir, ne pas s'intégrer, ou créer une mauvaise ambiance ? Le renvoi en métropole n'est pas facile, et le déménagement vers Papeete, près de 5000 km plus loin, n'est peut-être pas la solution. Heureusement, ces questions sont rares et la grande majorité des médecins travaille convenablement et consciencieusement. Alors que je m'attendais à plus de 'farniente' sur cette ile superbe, j'ai été surpris par la qualité de la médecine et la conscience professionnelle des prestataires de soins.

Mais on peut y manquer de spécialiste. On ne peut pas assurer tous les soins sur une île de cette importance. On n'a pas la masse critique suffisante pour installer une équipe de neurochirurgie ni même de chirurgie cardiaque. Ne parlons pas de transplantation d'organes. Alors, par exemple, c'est le chirurgien orthopédiste qui installe le cathéter de pression intracrânienne, sans grand enthousiasme, on s'en doute. Besoin d'un chirurgien thoracique ? Pas de problème, il y en a un... Zut, une heure plus tard, on apprend qu'il vient de partir en vacances pendant trois semaines. Désolé, il faudra trouver une alternative...

Le mot à la bouche : 'Evasan'

Le grand hôpital le plus proche, c'est en Australie. Les Australiens sont disponibles et dynamiques, et ont un excellent niveau de médecine. Tout de même à plus de 3h en avion de ligne, plus de 4 heures en avion sanitaire. Ce qu'on appelle 'evasan' (évacuation sanitaire) a un coût énorme, qui peut dépasser un total de 100.000 euros pour un malade... parfois dont les chances de survie sont très limitées. Nous avons eu notamment une discussion animée à propos d'un malade alcoolique SDF qui refusait jusqu'alors de se prendre en charge mais qui avait développé une hémorragie cérébrale sur malformation vasculaire. Fallait-il le transférer à Sydney pour prise en charge ?

Même si la population locale est relativement jeune, et en bonne santé, les couts de la médecine sont considérablement accrus par le besoin de ces 'evasans' vers l'Australie, qui s'ajoutent aux prix des soins courants. C'est presque la quadrature du cercle. En tous cas, un énorme défi pour l'avenir. Comme si Liège était dans l'Océan Pacifique.

J'ai eu l'honneur et le plaisir d'être invité à travailler pendant un mois à Nouméa, afin d'y apporter un regard académique extérieur. L'hôpital principal, le Médipôle, de plus de 500 lits, a ouvert ses portes il y a moins de deux ans : Hôpital ultra-moderne, où un robot apporte le linge dans les services et l'IRM est obtenue dans l'heure. Où le Service de réanimation aussi est super-équipé. Mais l'île a aussi ses défis.Défi culturel d'abord. Les disparités culturelles sont importantes. Les Kanaks (autrefois écrit 'Canaques'), provenant de populations autochtones mélanésiennes, ont évidemment leurs coutumes particulières. L'endroit où ce nouvel hôpital a été construit, sur une sorte d'ancien cimetière, n'augurait rien de bon aux yeux de la population. Les débuts furent donc difficiles, même si on y a 'fait coutume', en offrant aux chefs de tribus une pièce de tissu, un peu de tabac et une petite somme d'argent toute symbolique... Les Kanaks sont des gens charmants et souriants, qui aiment dire bonjour à tous ceux qu'ils croisent, mais qui peuvent devenir brutaux et agressifs quand ils ont bu... et quand ils commencent à boire, ils ne peuvent s'arrêter... si bien que la vente de boissons alcoolisées est interdite le week-end (ainsi qu'à la fête du cerf et de la crevette...). Malgré ces mesures, les services d'urgence, qui accueillent 60.000 patients par an au Médipôle, sont souvent submergés, surtout la nuit, par la prise en charge de plaies diverses et variées infligées souvent par les proches qui ne pouvaient plus se contrôler.Des problèmes médicaux aussi quelque peu différents des nôtres : beaucoup de valvulopathies sur rhumatisme articulaire aigu, des leptospiroses, des dengues...Qui sont les médecins ? Peu de Kanaks, et tout le monde n'est pas prêt à aller s'installer aux antipodes. Beaucoup bien sûr le font par gout d'aventure et d'exotisme. Certains parfois sur un coup de tête, après une déception, une mauvaise expérience, une mésentente ... Mais que faire dans la situation - rare il est vrai, où le médecin pourrait ne pas convenir, ne pas s'intégrer, ou créer une mauvaise ambiance ? Le renvoi en métropole n'est pas facile, et le déménagement vers Papeete, près de 5000 km plus loin, n'est peut-être pas la solution. Heureusement, ces questions sont rares et la grande majorité des médecins travaille convenablement et consciencieusement. Alors que je m'attendais à plus de 'farniente' sur cette ile superbe, j'ai été surpris par la qualité de la médecine et la conscience professionnelle des prestataires de soins. Mais on peut y manquer de spécialiste. On ne peut pas assurer tous les soins sur une île de cette importance. On n'a pas la masse critique suffisante pour installer une équipe de neurochirurgie ni même de chirurgie cardiaque. Ne parlons pas de transplantation d'organes. Alors, par exemple, c'est le chirurgien orthopédiste qui installe le cathéter de pression intracrânienne, sans grand enthousiasme, on s'en doute. Besoin d'un chirurgien thoracique ? Pas de problème, il y en a un... Zut, une heure plus tard, on apprend qu'il vient de partir en vacances pendant trois semaines. Désolé, il faudra trouver une alternative... Le grand hôpital le plus proche, c'est en Australie. Les Australiens sont disponibles et dynamiques, et ont un excellent niveau de médecine. Tout de même à plus de 3h en avion de ligne, plus de 4 heures en avion sanitaire. Ce qu'on appelle 'evasan' (évacuation sanitaire) a un coût énorme, qui peut dépasser un total de 100.000 euros pour un malade... parfois dont les chances de survie sont très limitées. Nous avons eu notamment une discussion animée à propos d'un malade alcoolique SDF qui refusait jusqu'alors de se prendre en charge mais qui avait développé une hémorragie cérébrale sur malformation vasculaire. Fallait-il le transférer à Sydney pour prise en charge ? Même si la population locale est relativement jeune, et en bonne santé, les couts de la médecine sont considérablement accrus par le besoin de ces 'evasans' vers l'Australie, qui s'ajoutent aux prix des soins courants. C'est presque la quadrature du cercle. En tous cas, un énorme défi pour l'avenir. Comme si Liège était dans l'Océan Pacifique.