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jdM : Quels sont les avantages y compris pour le dispensateur de soins (médecin) de confier à la Caami (Caisse auxiliaire d'assurance maladie invalidité) le contrôle et le paiement des factures de soins pour les personnes à charge du CPAS ?Denis Ducarme : Ils sont multiples.Il y a avant tout la volonté d'attribuer un travail spécifique à un secteur spécifique. Ainsi on décharge des CPAS les tâches liées au secteur médical en les réattribuant à la Caami dont c'est le métier, à savoir le contrôle et le payement. Dès lors, le CPAS peut se centrer sur son "core business" qui est le travail social.L'ensemble de ce transfert s'est effectué à travers la mise en place du système informatique MediPrima qui permet une gestion centralisée de A à Z des soins médicaux pour les personnes à charge du CPAS.Ainsi les CPAS après leurs enquêtes sociales pourront y inscrire leurs décisions de prise en charge.Les prestataires des soins pourront consulter ces décisions de prise en charge afin de connaître leur remboursement. Ils peuvent également à travers MediPrima facturer électroniquement leurs prestations médicales réalisées pour le public cible directement à la Caami.La Caisse dispose aussi à travers MediPrima d'un outil informatique centralisé reprenant tant les décisions des CPAS que les factures des prestataires des soins. Une série de contrôles peut ainsi s'effectuer automatiquement avant le payement qui se voit ainsi facilité et qui est donc effectué plus rapidement. Après l'introduction de la première phase du projet qui concernait les hôpitaux, le délai moyen de paiement est passé de plusieurs mois à huit jours. Cette réforme va ainsi améliorer la prise en charge des soins honorés.Pourquoi faut-il créer la fonction de médecin-contrôle au sein de la Caami ?Le futur médecin-contrôle sera amené à vérifier l'aspect médical des dossiers. Nous avons estimé qu'il revenait à un médecin d'effectuer ce type de contrôles. Cette nouvelle fonction étant la prolongation de l'attribution de nouvelles missions à la Caisse, il était important de la distinguer de la fonction de médecin-conseil qui existe déjà actuellement au sein de la Caisse dans le cadre de ses missions de mutuelle.Le projet de loi prévoit une possibilité de sanction des CPAS qui auraient accordé le droit à un remboursement de soins via le dispositif de l'aide médicale urgente " de manière abusive ou sans enquête sociale suffisante ". Expliquez.Pour toutes demandes d'aide, un CPAS est tenu légalement d'effectuer une enquête sociale pour déterminer l'état d'indigence du demandeur d'aide. Si cette enquête sociale n'est pas (ou mal) effectuée, des mesures sont prises à l'encontre du CPAS.Dans le cadre de l'AMU, s'il s'avère que le demandeur d'aide avait des moyens de subsistance propres ou liés à un garant, cela signifie que les frais liés à ses soins de santé auraient dû être payés par lui-même ou son garant et non par l'Etat.Pourquoi l'opposition estime que les populations étrangères et les demandeurs d'asile sont particulièrement visés par cette mesure ?Je regrette qu'une partie de l'opposition, sur des politiques aussi sensibles que celles-là, se perde en caricature. L'aide médicale urgente doit être garantie. Elle est partie du droit le plus élémentaire à la dignité. Elle est un devoir légal de même qu'un devoir moral dans le chef de l'Etat.L'accord de gouvernement, ainsi que la note de politique générale que le ministre a pu exposer au parlement l'année dernière, détaillait déjà cette réforme. Réforme qui donne plus de temps, c'était leur demande, aux CPAS pour réaliser l'enquête sociale. Réforme qui en matière de compétences territoriales garantit une continuité de soins pour le patient, et une assurance de payement pour le prestataire de soins et qui nous permet d'opérer un contrôle sur le fait que les soins relèvent bien de l'aide médicale urgente. Ce contrôle existait déjà sous certains aspects. Il était du ressort des CPAS. Dans le cadre de la réforme ce sera maintenant un médecin, un médecin de la Caami qui effectuera le contrôle sur les aspects médicaux.Le GBO (Groupement belge des omnipraticiens) critique sévèrement le projet de loi relatif à la prise en charge des secours accordés par les CPAS. La première raison est que " la mission et le devoir de tout médecin est de prodiguer des soins à tout patient qui en a besoin et ce en toute indépendance". Le Cartel n'admet pas qu'un " quelconque contrôle puisse être exercé sur la profession de médecin afin de décider à sa place ce qui est justifié ou non en matière de soins à cette partie de la population fragilisée et entrant dans le cadre de l'AMU". Contrôler à posteriori le médecin pour savoir si les soins prodigués étaient justifiés ou non est pour le GBO " inacceptable". Enfin, " le fait d'émarger à l'AMU pour certains patients non couverts par une mutuelle ne doit pas faire d'eux des citoyens de seconde zone en matière d'accès aux soins". Trouvez-vous ces critiques justifiées ?Le projet de loi ne remet absolument pas en cause le devoir de soins des médecins ou plus globalement le serment d'Hippocrate. La définition de l'AMU inclut tant les soins à caractère curatif que préventif et permet aux médecins de prodiguer de manière indépendante des soins à chaque patient sur base de sa situation individuelle. La définition de l'aide médicale urgente n'est pas touchée par ce projet. La grande nouveauté va dans le sens d'un système qui place le professionnel de la santé au coeur de son dispositif et le contrôle qui était opéré hier par des administratifs le sera par le médecin.