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Le journal du Médecin : Le CHU de Liège se dit à la pointe en matière de big data. Quel est précisément la teneur du gentlemen's agreement entre le CHU et Janssen sur ce sujet ?Julien Compère : C'est la volonté de mieux collaborer entre le CHU et Janssen quant à la mise à disposition de données cliniques. Nous disposons au sein des différents dossiers patients de données qui peuvent affiner leurs analyses dans le cadre de leurs différentes recherches. Les hôpitaux universitaires à travers l'ensemble des pathologies qu'ils traitent disposent d'une masse d'informations dans les dossiers médicaux. Il est clair que tout cela est ensuite anonymisé et globalisé pour être mis à disposition de la firme pharmaceutique.Mais donc vous avez une data base depuis un certain nombre d'années ?Oui. On a un datawarehouse depuis de nombreuses années. Nous avons des dossiers médicaux complétement informatisés. Nous sommes le seul hôpital (en Wallonie, ndlr) à avoir atteint le niveau 6 sur l'échelle EMRAM (ndlr : Electronic Medical Record Adoption Model qui contient 8 niveaux).Donc soyons clair : au niveau du secret professionnel et la confidentialité des données patients, il n'y a pour vous absolument aucun problème...C'est ce qui nous guide à chaque étape, c'est la confidentialité. C'est fondamental. Au sein du projet InSite, nous suivons les traces de l'hôpital universitaire de Gand qui collabore déjà avec Janssen. Il y a un cadre défini par nos confrères de Gand et que nous poursuivons.Deuxième aspect : le recrutement de volontaires pour des essais cliniques. Vous en resterez à la phase I ?C'est principalement pour la phase I. Le CHU a mis sur pied depuis de nombreuses années une société, ATC (Advances Technology Assessment), spin-off adossée à l'hôpital. Elle est spécialisée dans les phases I et bénéficient de toutes les infrastructures nécessaires pour mener à bien les essais. Nous le ferons dans les secteurs privilégiés par Janssen qui sont aussi les pôles favoris mis en place avec l'Université de Liège. Mais le but n'est pas de se limiter à la phase I. On parle de phases II, III et même IV. On parle de combien de volontaires ?Il n'y a pas de nombre défini. Nous nous inscrivons sur la carte de Janssen pour les essais cliniques de phase I. Habituellement, il est quand même plus facile d'avoir des liens privilégiés avec les major sponsors. On a beau essayer de diversifier au maximum les sociétés avec lesquelles on collabore, les Big Pharma, c'est quand même une autre dimension. La balle est dans le camp de Janssen.Ce seront essentiellement des patients dans le bassin liégeois ?Principalement dans la province de Liège, oui. Même si on veut recruter plus large...J'imagine qu'au niveau des pathologies visées, cela correspond aux besoins de Janssen ?Effectivement, c'est principalement dans les cinq grands axes mis en place par Janssen, notamment, le cardiovasculaire et le métabolisme (diabète de type II, obésité), tout ce qui est onco-hématologie, neuro-science (Alzheimer), immunologie (arthrite rhumatoïde, psoriasis)... Mais cela correspond aussi parfaitement à nos compétences. Pensons notamment au Pr André Scheen, spécialiste reconnu mondialement pour tout ce qui tourne autour du métabolisme.Concernant les soins oncologiques à domicile, autre pan de votre accord, c'est pour répondre aux besoins de votre partenaire mais en même temps s'inscrire dans l'évolution vers des soins hospitaliers à domicile ?Tout à fait. C'est un projet développé depuis plus d'un an. En été 2015, on a mené un projet pilote d'hospitalisation à domicile dans le domaine de l'hématologie. Projet-pilote qui a été un succès. Nous relançons à partir du 1er janvier 2017 les hospitalisations à domicile. Janssen nous soutient dans ce projet pour lequel vous le savez la nomenclature n'est pas totalement adaptée. Nous recherchons là-aussi une équation économique qui tienne la route.L'open innovation, le brassage d'idées... Tout cela est un peu vague... Comment allez-vous concrètement réfléchir à de nouveaux modèles avec le laboratoire pharmaceutique comme l'accord le prévoit ?C'est dans le même ordre d'idée que le pôle santé mis en place avec l'Université de Liège. Il y a une volonté d'aller vers une plus grande valorisation économique des recherches qui sont menées. L'initiative de Janssen, JLINX (Johnson & Johnson innovation), permet de connecter le groupe J&J avec les spin-offs médicales. Liège est l'endroit le plus dynamique au niveau biomédical. Comment accroître encore le développement d'une spin-off et la création de plus de spin-offs avec une firme de la dimension de Janssen et J&J, tel est l'enjeu. Pour terminer, par rapport aux relations incestueuses entre le secteur profitable d'un laboratoire pharmaceutique et non profitable d'un CHU, comment argumenter par rapport à l'indispensabilité de ce type d'accord ? Des questions se posent et vous seront posées...L'important est que les choses soient cadrées et qu'elles soient transparentes. En Belgique, il y a un cadre strict. Mais ne nous leurrons pas. C'est aussi important pour nous de pouvoir offrir à nos patients les dernières innovations réalisées par l'industrie. Donc le partenariat qui nous donne accès à des nouvelles molécules en test, nous espérons que ce sera une relation win-win. Les aspects éthiques seront respectés et on le fait en toute transparence. Pour éviter justement que ces relations ne soient pas incestueuses. Cela fait 9 mois qu'on y travaille...